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République Démocratique du Congo (RDC) : Situation des Banyamulenge (Tutsi ou Banyarwanda)

Résurgence du mouvement M23 et tension entre le Rwanda et la RDC

  • « La présence de plus d'une centaine de groupes armés engagés dans plusieurs conflits pour le contrôle du territoire et des ressources a continué de créer de l'instabilité en République Démocratique du Congo (RDC) en 2022. Alors qu’un nombre de ces conflits sont actifs depuis des années, l'apparition soudaine d’affrontements intercommunautaires dans la province de Mai-Ndombe et dans les régions voisines au sujet de la fiscalité foncière ont été un puissant rappel de la volatilité de la dynamique des conflits en RDC. Dans le cadre de la croissance des activités du groupe rebel du Mouvement du 23 Mars (M23) et de l'apparition de nouveaux conflits en 2022, la prochaine année offre peu d'espoir pour une résolution des conflits à grande échelle. En effet, des tensions montantes entre la RDC et le Rwanda et de potentiels désordres aux élections nationales de décembre 2023 pourraient mener à une propagation de la violence, en particulier dans les provinces de l'Est. […] Le M23 – un groupe armé formé en 2012 et composé pour la plupart de rebelles tutsis « rwandophones » – est réapparu en tant qu'acteur principal du conflit en 2022, avec une croissance de ses activités de près de trente pour cent par rapport à l'année précédente. Un nombre croissant d'enquêtes ont lié la croissance récente du M23 au soutien du Rwanda, intensifiant les tensions dans la région des Grands Lacs. Pour lutter contre l'insurrection du M23, la RDC s'est tournée vers la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC) pour former une force régionale conjointe. Les épisodes impliquant des acteurs militaires étrangers, y compris la force de paix des Nations Unies, ont plus que triplé en 2022. L'année dernière, les forces étrangères ont perdu en popularité parmi les populations locales à cause de leur incapacité à réprimer la violence en cours et d'un nombre croissant d'allégations d'exploitation sexuelle ; en témoignent les nombreuses manifestations contre forces régionales de l’EAC et les casques bleus de l'ONU qui ont eu lieu depuis juillet. [Traduit de l’anglais par Asylos] »

SOURCE ORIGINALE : 

« The presence of over a hundred armed groups engaging in multiple conflicts over territorial and resource control continued to create instability in the Democratic Republic of the Congo (DRC) in 2022. While many of these conflicts have been active for years, the sudden onset of inter-communal clashes in Mai-Ndombe province and surrounding areas over land taxation was a potent reminder of the volatility of conflict dynamics in the DRC. Amidst the growth of activity by the March 23 Movement (M23) rebel group and the outbreak of new conflicts in 2022, the coming year offers minimal hope for wide-scale conflict resolution. Indeed, escalating tensions between the DRC and Rwanda, and potential voting disruptions to national elections in December 2023 could lead to worsening violence, especially in the eastern provinces.

[…]The M23 – an armed group formed in 2012 and primarily made up of ‘Rwandaphone’ Tutsi rebels – re-emerged as a prominent conflict actor in 2022, with a nearly thirty-fold increase in activity compared to the year prior. An increasing number of investigations have linked the recent growth of the M23 to backing from Rwanda, intensifying tensions in the Great Lakes region. To combat the M23 insurgency, the DRC turned to the East African Community (EAC) to form a Joint Regional Force. Events involving foreign military actors, including United Nations peacekeepers, more than tripled in 2022. Foreign forces diminished in popularity among local populations last year for their inability to quell ongoing violence and an increasing number of allegations of sexual exploitation, evidenced by numerous demonstrations against EAC regional forces and UN peacekeepers since July. »

ACLED, ‘Conflict watchlist 2023 : Democratic Republic of Congo: Rising Tensions with Rwanda Amid Escalating Violence and Upcoming Elections’, 2023, consulté le 27/02/2023. 

 

  • « En juin, des rapports crédibles sur le soutien du Rwanda au groupe rebelle du Mouvement du 23 mars (M23) ont contribué à la violence et à la discrimination à l'encontre des Rwandaphones et de ceux qui ont une sympathie perçue pour le Rwanda ou le M23 [...] les populations rwandaphones (parlant le kinyarwanda et le kirundi) ont également été accusées de perpétrer des violences à l'encontre d'autres communautés ethniques. En juin, les médias locaux ont rapporté qu'une foule avait brutalisé, lynché et brûlé un Rwandaphone à Kalima, dans la province du Maniema, en raison de son appartenance à l'ethnie Banyamulenge (Tutsi congolais), à la suite d'une marche de soutien aux FARDC. En septembre, les autorités provinciales n'avaient pas partagé les conclusions de leur enquête sur ce meurtre. [Traduit de l’anglais par Asylos]»

SOURCE ORIGINALE : 

« In June credible reports of Rwandan support to the March 23 Movement (M23) rebel group contributed to violence and discrimination against Rwandaphones and those with a perceived sympathy for Rwanda or M23 […] Rwandaphone populations (both Kinyarwanda and Kirundi speakers) were also accused of perpetrating violence against other ethnic communities. In June local media reported that a mob brutalized, lynched, and burned a Rwandaphone man in Kalima, Maniema Province due to his Banyamulenge (Congolese Tutsi) ethnicity following a march to show support for the FARDC. As of September, provincial authorities had not shared the findings of their investigation into the killing.  »

Département d'État des États-Unis, ‘2022 Country Reports on Human Rights Practices: Democratic Republic of the Congo’, 20 mars 2023, consulté le 20/09/2023.

 

  • « Les combats violents reprennent entre l'armée de la RD Congo et le groupe armé M23.

Après plusieurs semaines de calme relatif, des affrontements intenses ont repris le 20 octobre entre l'armée de la République démocratique du Congo (RDC) (FARDC) et des combattants du groupe armé du Mouvement du 23 mars (M23) dans le territoire de Rutshuru, province du Nord-Kivu. Les agitations ont d'abord éclaté dans la localité de Rangira puis se sont étendues à d'autres villages du groupe Jomba, ainsi qu'aux groupes Bweza et Busanza, près des frontières de l'Ouganda et du Rwanda. Depuis la reprise des combats, on a signalé l'utilisation d'armes lourdes et d'armes explosives, notamment des mortiers et des bombardements d'artillerie. [Traduit de l’anglais par Asylos] »

SOURCE ORIGINALE : 

« Violent Clashes resume between DR Congo Army and M23 armed group.

After several weeks of relative calm, on 20 October intense clashes renewed between the Democratic Republic of the Congo’s (DRC) army (FARDC) and fighters from the armed group, March 23 Movement (M23), in Rutshuru Territory, North Kivu Province. The unrest initially broke out in Rangira locality then spread to other villages in the Jomba group, as well as the Bweza and Busanza groups, near the borders of Uganda and Rwanda. Since the resumption of fighting, there have been reports of the use of heavy weapons and explosive weapons, including mortar fire and artillery shelling. »

Global Centre for the Responsibility to Protect, ‘Atrocity Alert No. 323: Myanmar (Burma), Sudan and Democratic Republic of the Congo’, 26 octobre 2022, consulté le 14/02/2023.

 

  • « Les Banyarwanda sont des Hutus, des Tutsis et des Batwa qui parlent tous le kinyarwanda et vivent le long de la frontière rwandaise dans la province du Kivu, avec les Hunde, les Nyanga et les Nande.

Lorsque les frontières coloniales ont été tracées à la fin du XIXe siècle, de nombreux Banyarwanda se sont retrouvés du côté congolais de la frontière rwandaise, dans la province du Kivu. D'autres Banyarwanda ont ensuite traversé le Rwanda pour travailler dans les fermes coloniales belges. À la fin des années 1950 (et par la suite), des réfugiés tutsis fuyant les persécutions au Rwanda sont également passés au Congo ; les Banyarwanda ont fini par représenter environ la moitié de la population du Nord-Kivu, tout en étant largement considérés comme des "étrangers" par les autres groupes ethniques. Les vagues d'immigration ont intensifié la concurrence pour les terres. Les chefs hunde en particulier, dont les terres conféraient une influence politique disproportionnée par rapport à la taille (et à l'appauvrissement) de leur communauté, ont amèrement ressenti l'expropriation des terres (souvent utilisées traditionnellement pour la chasse) par les colons banyarwanda. D'autres groupes, notamment les Nyanga et les Nande, étaient également en compétition pour les terres. Les questions relatives à l'utilisation et à la propriété des terres, ainsi qu'à la citoyenneté, sont à la base de nombreux conflits entre les communautés ethniques de l'est de la République démocratique du Congo (RDC) - compliqués par des lois mal rédigées ou appliquées de façon incohérente.

Le statut contesté de la nationalité des populations parlant le kinyarwanda dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), est au cœur des conflits qui ont affligé la région avec des conséquences dévastatrices depuis le début des années 1990. Il est difficile d'évaluer le nombre de personnes apatrides, puisque la plupart des Congolais sont sans papiers, mais plusieurs centaines de milliers de Banyarwanda qui peuvent faire remonter leurs origines au Congo à 1960 et devraient être des nationaux en vertu de la loi adoptée en 2004 se heurtent à des difficultés systématiques pour se faire reconnaître comme Congolais. [...]

Le territoire de la RDC est immense, et sa population comprend plusieurs centaines d'ethnies : c'est l'un des pays les plus diversifiés d'Afrique. Au Nord et au Sud-Kivu, les provinces de l'est les plus touchées par les conflits des deux dernières décennies, les groupes ethniques majoritaires sont les "autochtones" Nande (Nord-Kivu), Bashi et Barega (Sud-Kivu), avec des populations minoritaires importantes composées d'autres "autochtones", y compris des groupes pygmées, et de nombreux locuteurs du Kinyarwanda, la langue du Rwanda. Connus collectivement sous le nom de Banyarwanda, ils sont principalement Hutus, avec une minorité de Tutsis et un plus petit nombre de Batwa. Alors que les Tutsi sont traditionnellement considérés comme des éleveurs, et que les Hutu et les groupes "indigènes" sont des cultivateurs, la plupart des groupes ont toujours élevé du bétail lorsqu'ils le pouvaient.

Les origines des Banyarwanda en RDC sont diverses. Certaines parties du territoire qui constitue aujourd'hui la RDC étaient, avant la colonisation, soumises au roi rwandais. Leurs habitants sont devenus de facto des citoyens congolais en février 1885, lorsque la Conférence de Berlin a reconnu l'État libre du Congo "privé" du roi des Belges Léopold II. En 1908, l'État libre du Congo est devenu une colonie de l'État belge ; les frontières ont été ajustées en 1910 par un accord entre l'Allemagne, la Belgique et la Grande-Bretagne. Après la Première Guerre mondiale, les territoires allemands du Rwanda et du Burundi ont été remis à la Belgique par mandat de la Société des Nations en 1922. L'administration coloniale belge a alors mis en place une politique de transplantation organisée de dizaines de milliers de personnes du Rwanda et du Burundi, déjà densément peuplés, pour travailler dans les plantations de ce qui est aujourd'hui le Nord-Kivu, dans l'est du Congo. Immédiatement avant l'indépendance et au cours des décennies qui ont suivi, les provinces du Kivu ont également accueilli des réfugiés fuyant la violence au Rwanda et au Burundi, y compris les vagues massives au moment du génocide rwandais en 1994.

Un sous-groupe de Banyarwanda vivant aujourd'hui en RDC est pour la plupart des descendants de pasteurs tutsis qui ont migré du Rwanda, du Burundi et de la Tanzanie vers la région de Mulenge, dans ce qui est aujourd'hui la province du Sud-Kivu, principalement aux XVIIIe et XIXe siècles, mais certains d'entre eux l'ont peut-être fait plus tôt. À partir du milieu des années 1970, ce groupe a commencé à s'appeler "Banyamulenge" (les gens de Mulenge), un terme qui a fini par être utilisé plus généralement pour désigner les Tutsis congolais. [...]

Des dizaines de groupes armés opèrent dans l'est de la RDC à tout moment. Dans les régions riches en ressources des provinces du Sud-Kivu et du Katanga, l'armée a affronté des groupes dont Raia Mutomboki, déplaçant des dizaines de milliers de personnes. Raia Mutomboki ("citoyens en colère" en swahili), théoriquement formé pour protéger les habitants des FDLR, a été accusé d'éviter la confrontation avec les combattants des FDLR et de s'en prendre plutôt aux personnes à leur charge et à d'autres civils de l'ethnie hutue. En outre, dans des régions telles que Masisi, au Nord-Kivu, les luttes armées ont parfois opposé les Banyarwanda (Hutus et Tutsis) aux milices de groupes revendiquant une plus longue histoire dans la région locale. [Traduit de l’anglais par Asylos] »

SOURCE ORIGINALE : 

« Banyarwanda are Hutus, Tutsis and Batwa who all speak Kinyarwanda and live along the Rwandan border in Kivu province, together with Hunde, Nyanga and Nande.

When colonial boundaries were drawn in the late nineteenth century many Banyarwanda found themselves on the Congolese side of the Rwandan border, in Kivu province. More Banyarwanda subsequently crossed from Rwanda to work on Belgian colonial farms. In the late 1950s (and subsequently) Tutsi refugees fleeing persecution in Rwanda also crossed to Congo; Banyarwanda came to comprise around half the population of North Kivu yet were widely viewed as ‘foreigners’ by other ethnic groups. The waves of immigration intensified competition over land. Hunde chiefs in particular, whose ownership of land bestowed a degree of political influence out of proportion to the size (and impoverishment) of their community, bitterly resented expropriation of land (often traditionally used for hunting) by Banyarwanda settlers. Other groups, notably Nyanga and Nande, were also in competition for land. Questions of land use and ownership, and citizenship underlie many of the conflicts among ethnic communities in eastern Democratic Republic of Congo (DRC) – complicated by laws that are poorly written or inconsistently applied.

The disputed nationality status of the Kinyarwanda-speaking populations of the provinces of North and South Kivu in eastern Democratic Republic of Congo (DRC) has been at the heart of the conflicts that have afflicted the region with devastating consequences since the early 1990s. It is hard to estimate how many people are stateless, since most Congolese are undocumented, but several hundred thousand Banyarwanda who can trace their origins in Congo back to 1960 and should be nationals under the law adopted in 2004 face systematic difficulties in gaining recognition as Congolese. [...]

The territory of the DRC is enormous, and its population comprises several hundred ethnic groups: it is one of the most diverse countries in Africa. In North and South Kivu, the provinces in the east most affected by conflict over the past two decades, the majority ethnic groups are the ‘indigenous’ Nande (North Kivu), Bashi and Barega (South Kivu), with substantial minority populations made up of other ‘indigenes’, including pygmy groups, and many speakers of Kinyarwanda, the language of Rwanda. Known collectively as Banyarwanda, they are mainly Hutu, with a minority Tutsi and a smaller number of Batwa. While Tutsi are traditionally regarded as pastoralists, and Hutu and the ‘indigenous’ groups have been cultivators, most groups have always raised cattle when they can.

The origins of the Banyarwanda in DRC are diverse. Parts of the territory that is now DRC were prior to colonization subject to the Rwandan king. Their inhabitants became de facto Congolese citizens in February 1885, when the Berlin Conference recognized the Belgian King Leopold II’s ‘private’ Congo Free State. In 1908 the Congo Free State became a colony of the Belgian state; borders were adjusted in 1910 by agreement between Germany, Belgium and Britain. Following the First World War, the German territories of Rwanda and Burundi were handed to Belgium by League of Nations mandate in 1922. The Belgian colonial administration then established a policy of organized transplantation of tens of thousands of people from the already densely-populated Rwanda and Burundi to work on plantations in what is now North Kivu in eastern Congo. Both immediately before and over the decades since independence, the Kivu provinces have also taken in refugees fleeing violence in Rwanda and Burundi, including the massive surges around the time of the Rwandan genocide in 1994.

One sub-group of the Banyarwanda today in DRC are for the most part descendants of Tutsi pastoralists who migrated to the area around Mulenge in what is now the province of South Kivu from Rwanda, Burundi and Tanzania mainly in the eighteenth and nineteenth centuries, but some of them perhaps earlier. From the mid-1970s, this group began call themselves ‘Banyamulenge’ (people of Mulenge), a term which has come to be used more generally to refer to Congolese Tutsi. [...]

Scores of armed groups operate in eastern DRC at any given time. In resource-rich areas of South Kivu and Katanga provinces, the army clashed with groups including Raia Mutomboki, displacing tens of thousands. Raia Mutomboki (‘angry citizens’ in Swahili), nominally formed to protect locals from the FDLR, has been accused of avoiding confrontation with FDLR combatants, instead targeting their dependents and other ethnic Hutu civilians. In addition, in areas such as Masisi, North Kivu, armed struggles have at times pitted Banyarwanda people (both Hutu and Tutsi) against militias from groups claiming a longer history in the local area. »

Minority Rights Group International, ‘Banyarwanda’, juin 2018, consulté le 28/09/2023